Si j'étais ta mère, tu me briserais le cœur, parce que je ne pourrais faire autrement que de t'aimer et d'être horrifiée de cet amour, de ce vieil enfant aigri, bouffi d'orgueil et de fiel que tu es devenu mon tout petit, si j'étais ta mère, je t'aurais collé une gifle de tous les diables avant de m'écrouler en larmes devant l'énormité de mon geste et le gouffre qui désormais nous séparerait, si j'étais ta mère mon petit je porterais plainte contre mon propre fils, en t'assurant qu'il n'y a rien que je puisse faire d'autre pour te prouver qu'en dépit de l'amour que j'aurais pu te porter encore, il est des choses plus grandes que nous et ne le rabâches-tu pas à longueur d'antenne Fils, alors ne fais pas l'étonné je te prie si en jour, tu reprends le bâton en pleine face après une claque de ta mère, si j'étais ta mère, je te dirais que c'est à cause d'hommes comme toi que d'autres en viennent à massacrer, à honnir, à cracher sur eux-mêmes, à brûler et à maltraiter, si j'étais ta mère, je chercherais en moi d'où peut bien te venir, Fils, cette abjection, et je me cacherais pour n'avoir pas été à la hauteur de ma tâche, la vie d'un être humain digne et respectueux, si j'étais ta mère, je brulerais ma télé, ma radio et tremperais les pages de tes livres pour en faire de la pâte à papier, et j'irai dans les écoles avec des feuilles toutes propres, vierges de toi et des cauchemars que tu colportes comme une malédiction, et je dirais aux gosses de recouvrir ces feuilles avec toutes les couleurs qui les émerveillent, je ne leur dirais pas d'où proviennent ces pages recyclées,mais en moi je saurais que d'autres pensées te recouvrent et que des pensées d'enfant peuvent à elles seules réparer le cœur d'une mère dont le fils a sombré dans l'abomination, si j'étais ta mère, Fils, tu me trouverais sur ta route, contre toi, malgré moi, parce que certaines choses sont plus grandes que nous et que je ne pourrais supporter tant de bassesse de ta part.
Je ne suis heureusement pas ta mère, ma fille s'appelle Abi, son nom lui a été donné en souvenir d'une élève de son père, nommée Abibatou.
Pourquoi ce choix lui ai-je demandé, c'était la jeune fille la plus douce et la plus gentille que j'aie rencontré, m'a-t-il répondu.